trésor dormant
photographie poétique décorative

2010 – 2025

« C’est comme une bombe à fragmentation. D’abord la violence Percute, vous fauche, son Choc extrême, puis l’explosion qui Irradie en une Myriade de répercussions sur tout, tout le temps et pour toute la vie.
Le Cri qui vient de votre corps si profond que vous ne vous reconnaissez pas. L’Effroi Immense qui suit. Déchirant. C’est Crue. Puis l’Absence. On est Suspendu nulle part, dans un Inconnu. Le pays Sombre de la Perte, de la Honte. Vous êtes Habité malgré vous, ça laisse des Traces, ça rend Fragile et vous donne tellement de Force, d’Insolence. On comprend que c’est une Épreuve. Que ça va constituer sa propre Mémoire intime. On découvre qu’il n’y a pas d’Oubli. Que l’Excès vous emporte longtemps. La valeur du Choix prend tout son sens, ne pas succomber. La Vitalité est toujours là comme la vie est mêlée à la mort. »

C’était en plein hiver, au mois de janvier.
J’étais à Prague.
Ma vie a basculé ce jour-là.
Un téléphone est fixé sur un mur recouvert de moquette,
dans un couloir d’une auberge de jeunesse.
Ma mère m’annonce le suicide de mon père, j’ai 24 ans.
Choc.
Immense.
Profond, long, lent, anesthésiant.

J’ai continué de photographier sans cesse pendant de longues années après,
sans jamais regarder mon travail. Je ne pouvais le partager avec lui,
alors envie de ne le partager avec personne, personne ni moi même.
Je laisse mon œil travailler par instinct.
Mon corps continue d’agir mais ma pensée, elle, s’est arrêtée, endormie.
Ce qui m’importait c’était de photographier.
J’accumulais.
Après avoir tant perdu.

Il aura fallu du temps, le temps d’un deuil et puis l’envie est revenue.
L’envie d’ouvrir cette boite fermée depuis si longtemps et regarder.
C’est la naissance de Trésor Dormant.

Une immense mosaïque d’instants sans début ni fin s’est constituée année après année,
à partir de tous ces moments de vie, depuis cette tragédie. Elle devient la narration visuelle de cette épreuve.
C’est ma propre « banque d’images », sorte de collection autobiographique que j’ai découverte et dans laquelle j’ai plongé.
J’ai mis alors en forme des Tableaux qui portent chacun les mots de ce deuil que j’ai traversé.
Mon propos est devenu comme disait Nietzsche « d’arracher une dimension poétique à l’existence ».
Ce vécu m’a emmené vers une volonté d’abstraction.
La place entière est donnée à la matière visuelle pure : le cadrage, la forme et la couleur.
C’est une Photographie Poétique Décorative que je mets en forme.
Poétique parce que comme la poésie, elle est un espace de liberté pur, brut, absolu.
Elle est une source immense de régénération et me procure des moments de paix.
Décorative dans ce que la beauté donne d’éclat, de force et d’apaisement, pour sortir de la gravité et prendre le contre-pied de cette histoire.
N’avoir d’autre propos que celui de créer de la beauté, éblouir et intriguer.
Parce qu’il n’y a rien de plus sérieux que la légèreté.

Je ne souhaite pas tant ici raconter mon histoire mais plutôt donner à voir l’univers que je me suis constitué avec la force du désespoir.
Un monde magique, infini et bien vivant.