LES OUVRIERS

1995 – 2001

Il y a longtemps que je regarde les ouvriers présents dans ma ville. Ils font partie de ces personnages qui « habitent » la rue.
Ils forment une communauté ponctuelle définie par leur présence éphémère sur le chantier qu’ils occupent le temps dédié à celui-ci puis ils disparaissent. Ils sont d’origines multiples; portugais, antillais, espagnols, maghrébins, africains, français, polonais… Chaque corps de métiers est souvent représenté par une nationalité d’un pays d’origine bien précis et le savoir faire se transmet au sein de la communauté.

Je n’ai pas choisi de les photographier dans des intérieurs, sur des chantiers d’appartements mais dans la ville, dans la rue qui est et reste encore un lieu public et de ce fait représentatif d’une société. Se mêlant à l’infrastructure urbaine, au milieu de ce tourbillon de vie qui gravite autour d’eux, ils sont là, œuvrant pour construire, bâtir, échafauder, élever, assembler, charpenter. Ils sont comme invisibles dans l’indifférence générale. Ils revêtent chacun une tenue d’ouvrier avec le gilet, le casque, les gants, la salopette, la blouse… Toutes ces tenues, qui finissent par être personnalisées, sont autant d’informations révélatrices de leur personne et de leur attitude. Tout autant que leurs remarquables regards.

J’ai eu envie de les approcher. Franchir ce pas. M’arrêter et les photographier un à un dans leur contexte de travail, plaçant mon appareil photo entre eux et moi. L’espace d’un moment, c’est une rencontre. Ma manière de les personnifier et de les humaniser un peu plus. Sous la forme d’un portrait individuel mais qui devient à force du nombre, un portrait de la communauté qu’ils forment et qui me touche. Communauté ancestrale on pourrait dire, elle perdure et persiste malgré l’évolution et la modernisation de nos sociétés. Ce métier apparait alors comme un métier à préserver et à valoriser parce qu’il y a toujours un homme derrière un ouvrier. Et qu’ils restent et représentent malgré eux les témoins d’un monde d’un autre temps qui probablement va disparaitre.

Note: Je n’ai demandé aucune autorisation. Je suis rentrée partout, sur tous les chantiers qui m’intéressaient. Aucune méfiance, ni de droits à l’image…ils m’ont donné un accès libre et bienveillant pour travailler, sans doute en miroir de mon intérêt et de ma curiosité envers eux. Je souhaite donc ici les en remercier.

les ouvriers

49 photos

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