Qu’est-ce qu’un parcours photographique,
sinon un parcours de vie ?

Le mien a été traversé par différentes périodes bien distinctes.
Une première période allant de l’enfance jusqu’à la fin de mes études de photographie.
Je m’initie d’abord seule à une pratique photographique instinctive, avant de me former après mon Bac, à l’École Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre, en Belgique.
C’est une période photographique fougueuse et vorace, productive et appliquée.
Elle sera animée par une volonté de répondre à des questionnements esthétiques de références majeurs et à la formulation de sujets divers qui me nourrissent et avec lesquels je grandis; Les Ouvriers, une galerie de portraits tendres réalisés dans la rue avec l’envie de rendre visible cette communauté, L’Ailleurs, sujet central et fondateur échelonné sur cinq années, qui est mon regard sur la rue, les villes, les lieux et les gens dans une géographie plus ou moins lointaine, créant progressivement un univers singulier qui deviendra vite mon sujet le plus créatif, réalisation d’un quadriptyque amorcé avec L’Eau sur les quatre éléments, un reportage en Chine le long du Fleuve Bleu, le Yangzijiang sur l’enjeu et la construction du Barrage des Trois Gorges, projet pharaonique auquel seule la Chine peut prétendre.
Quand je sors de cette école, je deviens photographe de presse à Paris pour différents journaux (DS, Libération, Elle, Les Inrocks, Cosmopolitan, Télérama..). Je réalise principalement des commandes de portraits et de reportages.

Une deuxième période s’ouvre provoqué par la disparition de mon père, j’ai 24 ans.
Il était journaliste à Libération pendant toute mon enfance de 1975 à 1986. Il a créé la page Courrier des lecteurs, qui devient un vivier de futurs photographes fameux tels que Laurent Monlaü, Pascal Dolémieux, Claudine Doury entre autres… et un espace de liberté d’expression folle emblématique de cette époque.
Je baigne dans ce milieu et tout cet environnement fait office d’éducation.
Ma filiation à la photographie naît là et à travers lui. Cet événement et le deuil qui va suivre bouscule profondément le cours des choses.
J’ai pourtant continué de photographier sans cesse mais sans la préoccupation du sujet cette fois. Plus de sujets mais juste produire, photographier pour continuer à vivre.
J’ai ressenti une volonté de prendre une grande distance avec le monde de la presse et de la photographie pour me reconstruire. Cette volonté m’a poussé dans une seconde vie professionnelle; j’ai ainsi créé la société « Le Vert à Soi », une aventure esthétique de décoration végétale pour l’encadrement de la fenêtre. Malgré moi, j’ai inventé un nouveau métier; paysagiste de fenêtre. Étant complètement autodidacte, ce projet m’a apporté de la nouveauté, une fraicheur et une réussite totalement inattendues.

Commence aujourd’hui une troisième période; le début d’une nouvelle histoire avec la photographie, ma compagne de toujours, de l’enfance, de l’adolescence, de ma vie. Pour la première fois, depuis ce deuil je désire me positionner à nouveau en tant que photographe. J’ai donc répertorié et réalisé un archivage complet de tout mon travail photographique accumulé pendant cette longue période. J’ai créé à partir de cette immense collection d’images constituée année après année un objet visuel, comme une sculpture (photo) graphique; j’ai mis en forme une Photographie Poétique Décorative. Désormais, je souhaite partager ce nouvel œil, avec toute sa singularité, et me positionner en tant que photographe auteure.